SÉQUENCE 1
EXT. RUES DE LA VILLE – FIN D’APRÈS-MIDI D’HIVER
(Lumière bleutée, ciel chargé, une fine pluie commence à tomber. Les rues sont désertes, seulement quelques passants pressés se hâtent sous leur parapluie. RINA, une jeune femme d’à peine 20 ans, marche seule, enveloppée dans un manteau bleu. Son regard est baissé, pensif.)
VOIX OFF (RINA)
(mélancolique, presque chuchotée)
À l’âge de vingt ans, je me sens déjà vieille. Je pensais qu’à ce moment de ma vie, j’aurais vu le monde, aimé, ri à en perdre le souffle… Mais je suis là, à marcher seule sous une pluie fine, sans destination.
(La pluie commence à perler sur le bout de son nez, sur ses mèches bouclées d’un noir profond. Elle serre contre elle son sac, comme pour se protéger d’un froid invisible.)
EXT. PETITE PLACE — DEVANT UN CAFÉ
(Rina ralentit devant la vitrine embuée d’un petit café. À l’intérieur, une lumière chaude et quelques personnes bavardent à mi-voix. Un couple se tient la main, un homme lit son journal en buvant un café fumant.)
VOIX OFF (RINA)
(triste, résignée)
J’ai l’impression que la joie est une langue que j’ai oubliée. Comme une chanson que j’aimais, mais que je n’arrive plus à fredonner.
(Elle hésite à entrer, regarde à travers la vitre son propre reflet superposé à l’intérieur lumineux. Puis, d’un geste doux, elle referme son manteau et poursuit son chemin sans franchir la porte.)
EXT. QUAI DE TRAMWAY — FIN D’APRÈS-MIDI
(Rina attend son tramway sur le quai presque désert. Son parapluie est replié, les cheveux humides, le regard toujours un peu vague. Deux adolescents rient au loin, des flashs d’enseignes colorées dans la pénombre naissante. On entend le grincement lointain des rails.)
VOIX OFF (RINA)
(murmure, entrecoupé par le bruit du tram)
On me dit souvent que je suis jeune, que j’ai le temps. Mais à l’intérieur, je me sens déjà épuisée. Je vis comme une passagère dans ma propre existence, sans savoir où descendra le tramway.
(Le tram arrive dans un crissement métallique. Elle monte sans conviction, le regard fixé sur le sol.)
INT. TRAMWAY — SOIR
(Des néons blancs illuminent faiblement les visages fatigués des passagers. Rina prend place sur un siège près de la fenêtre. Son front s’appuie contre la vitre froide, tandis que les lumières de la ville glissent sur son visage triste.)
VOIX OFF (RINA)
(d’une voix douce, entre espoir et lassitude)
J’aimerais que quelqu’un me regarde un jour, me voie vraiment, au-delà du bleu que je porte, au-delà de ce silence qui me colle à la peau. Qu’il me dise que je ne suis pas invisible.
(Son reflet dans la vitre se superpose aux lumières de la ville. Un soupir traverse ses lèvres, presque un sourire amer. La rumeur du tram enveloppe le plan dans une ambiance feutrée.)
COUPER SUR NOIR.
SÉQUENCE 2
INT. SALLE DE CINÉMA — SOIR
(L’écran est noir. Le titre du film projeté apparaît : « IKIRU » d’Akira Kurosawa, en lettres blanches sur fond noir. La musique du film commence à envahir la salle. La caméra glisse doucement sur les rangées de fauteuils.)
(On se rapproche de RINA, assise au milieu d’une rangée presque vide. Son regard est perdu sur l’écran, le visage à demi-éclairé par la lueur du projecteur. Elle serre son manteau sur ses genoux, calme, concentrée, seule au milieu d’un grand silence ponctué par les dialogues japonais du film.)
(Soudain, dans la pénombre, une silhouette entre. C’est KEN. Il a un style simple — veste en cuir noire, une allure discrète. On aperçoit le flash rapide d’un petit tatouage sur son poignet quand il retire son écharpe. Il regarde rapidement autour de lui, hésite, puis prend place juste à la droite de Rina, laissant un siège entre eux. Rina lui jette un coup d’œil timide avant de replonger son regard sur l’écran.)
(Pendant une scène émouvante d’Ikiru — musique triste en fond — Ken fait un petit bruit, un soupir admiratif. Rina tourne la tête, intriguée. Leurs regards se croisent dans la pénombre, et quelque chose passe entre eux, presque imperceptible, une connexion inexplicable.)
KEN
(en chuchotant, presque gêné)
Pardon… c’est la première fois que je le vois au cinéma. Il est encore plus beau sur grand écran.
RINA
(avec un petit sourire discret)
Oui… c’est une œuvre magnifique. On oublie parfois à quel point une image peut nous parler.
(Ken esquisse un sourire, soulagé qu’elle lui ait répondu. Un silence confortable s’installe alors qu’ils replongent dans le film. Sur l’écran, le personnage principal fredonne une chanson au bord d’un lac, seul dans la nuit — une scène poignante qui semble refléter la solitude de Rina. Ken lui jette un regard furtif, comme s’il percevait la mélancolie dans sa posture.)
KEN
(après un moment, en chuchotant à nouveau)
Tu viens souvent ici ?
RINA
(doucement, le regard toujours fixé sur l’écran)
Assez souvent, oui. C’est le seul endroit où j’ai l’impression que le temps s’arrête.
(Ken acquiesce d’un signe de tête. Le film se poursuit dans le calme. Il hésite, joue nerveusement avec une bague à son doigt, avant d’oser une autre question.)
KEN
Et… ton nom ? Enfin, si ce n’est pas trop indiscret.
RINA
(elle tourne enfin le visage vers lui, amusée par son hésitation)
Rina.
(Le son du film emplit la salle. Il y a ce petit instant suspendu entre eux, où tout semble s’arrêter : le projecteur dans son faisceau lumineux, les dialogues sur l’écran, les spectateurs invisibles. Un vrai coup de foudre, doux, sans paroles superflues — juste le regard profond qu’ils partagent, chacun y lisant une tendresse inattendue.)
KEN
Moi, c’est Ken.
(Leurs voix sont à peine audibles, presque fondues dans la bande-son. Rina esquisse un sourire timide. Le silence revient, chargé d’émotions, pendant qu’ils regardent le film jusqu’à la fin, assis côte à côte dans la pénombre, un peu moins seuls qu’au début.)
(Le film continue sur grand écran, bercé par la musique lente d’Ikiru. Rina et Ken, assis à côté l’un de l’autre, restent un instant silencieux après avoir échangé leur prénom. Ils hésitent, partagés entre leur envie de parler et le respect pour l’ambiance feutrée de la salle.)
KEN
(en chuchotant, un peu amusé)
Tu as déjà vu ce film avant ?
RINA
(murmure, sourire aux lèvres)
Non… c’est la première fois. Et toi ?
KEN
Moi aussi. Je l’ai choisi un peu au hasard ce soir.
(Leurs voix chuchotées, presque complices, troublent le calme ambiant. À quelques rangées derrière eux, un homme âgé se penche en avant et chuchote d’un ton agacé)
HOMME
Chut ! S’il vous plaît !
(Rina et Ken sursautent, échangent un regard surpris avant d’étouffer un petit rire. Rina porte la main à sa bouche pour cacher son sourire. Ken baisse la tête, feignant d’être désolé, ses épaules agitées d’un rire silencieux. Cette complicité muette les rapproche encore un peu plus.)
(Pendant ce temps, à l’écran, le protagoniste d’Ikiru chante dans la nuit, une mélodie mélancolique qui semble vibrer dans la salle obscure. Rina jette un coup d’œil à Ken, son cœur battant un peu plus vite.)
VOIX OFF (RINA)
(douce, intérieure, presque émerveillée)
Il y avait quelque chose dans son visage que je n’arrivais pas à ignorer. Ses yeux, grands et profonds, ressemblaient à une galaxie dans laquelle je me perdais. Marron comme un brownie – durs à l’extérieur, doux à l’intérieur. J’y voyais une chaleur tranquille, une tendresse rare.
Son profil découpé dans la pénombre était parfait : ce grain de beauté sur le cou, un autre sous son œil droit, un dernier au coin de sa narine gauche. Et quand il a retiré sa veste en cuir, une seconde, la lumière a révélé le dessin d’un dragon vert et bleu sur son épaule, une moitié de lune juste derrière son oreille.
En le regardant, j’ai senti une douleur étrange dans ma poitrine : une sorte de serre qui me prend le cœur. Mon ventre s’est peuplé de papillons agités. Ma peau, tour à tour brûlante et glacée, me rappelait que j’étais vivante. Ma tête, d’habitude si lourde, semblait légère. Impossible de me concentrer sur le film ; tout ce que je pouvais faire, c’était respirer doucement et essayer de calmer ce tourbillon au fond de moi.
(Rina cligne lentement des yeux, revient à la réalité. À côté d’elle, Ken a lui aussi le regard rivé sur l’écran, un petit sourire sur les lèvres. On sent qu’il est lui aussi ailleurs, un peu transporté. Rina se redresse légèrement dans son siège, une mèche de cheveux lui tombant sur la joue. Ken l’aperçoit du coin de l’œil, se penche vers elle, un peu hésitant, avant de chuchoter à nouveau )
KEN
Tu… veux qu’on aille boire un verre après le film ?
(Rina le regarde, surprise, son cœur rate un battement. Elle acquiesce d’un sourire timide, incapable de parler. Ils échangent un regard entendu, une promesse tacite entre eux. Dans la pénombre de la salle, leurs visages s’illuminent tour à tour au gré des images sur l’écran, dans une sorte d’écrin hors du temps.)
(La musique du film s’adoucit. La caméra recadre sur l’écran de cinéma, le vieux protagoniste d’Ikiru sur sa balançoire, chantant sous la neige. Puis sur Rina, son regard baissé, son sourire secret, alors que la scène glisse en fondu au noir.)
SÉQUENCE 3
EXT. RUE — NUIT
(Noir total. Le couper noir de la séquence précédente se fond lentement dans un noir de nuit. Le ciel étoilé. La caméra, format portrait, descend doucement jusqu’à la rue, où l’on découvre RINA et KEN marchant côte à côte. La ville semble endormie. La lumière des réverbères dessine des halos sur le sol mouillé.)
(Leurs pas résonnent dans le silence, un peu timides d’abord. Rina garde son manteau bleu bien serré autour d’elle. Ken, les mains dans les poches de sa veste en cuir, souffle dans l’air glacé. Leurs souffles sont visibles dans la nuit.)
KEN
(amusé, frottant ses mains)
Il fait un froid à geler les pensées.
RINA
(elle rit doucement)
Et dire qu’on a choisi le plus glacial des soirs pour se rencontrer.
KEN
On dira que ça rend les choses plus mémorables.
(pause)
Tu veux qu’on se pose quelque part ? Un bar, un café ?
RINA
Oui. Avant que mes doigts ne se transforment en glaçons.
(Ils échangent un sourire complice. La caméra les suit tandis qu’ils entrent dans un petit bar chaleureux à l’angle de la rue.)
INT. BAR — NUIT
(Ambiance feutrée. Lampes à abat-jour colorés, vieux parquet, quelques groupes dispersés. Un enfant pleure faiblement dans un coin, consolé par sa mère. À une table, un groupe d’amis rit un peu trop fort. La caméra se pose sur Rina et Ken installés dans une banquette au fond.)
(Un serveur approche, carnet en main.)
SERVEUR
Bonsoir ! Qu’est-ce que je vous sers ?
KEN
Un chocolat chaud… et une bière, pourquoi pas.
(il sourit à Rina)
Et toi ?
RINA
Un thé au jasmin, s’il vous plaît. Et… une assiette de frites ?
SERVEUR
Parfait. Je vous apporte ça.
(Le serveur s’éloigne. Rina et Ken se regardent, un peu gênés mais heureux.)
KEN
Alors… tu fais quoi dans la vie, Rina ?
RINA
J’étudie les lettres. J’aime les livres, la poésie, les mots qui réparent un peu ce qu’on n’arrive pas à dire à voix haute. Et toi ?
KEN
Je fais des études de graphisme. J’aimerais devenir illustrateur. Ou tatoueur, peut-être. J’aime l’idée de raconter des histoires sur la peau.
RINA
(regard brillant)
C’est beau ça… des histoires sur la peau.
(elle remarque ses tatouages)
C’est toi qui les as dessinés ?
KEN
Le dragon, oui. Les autres, non. La lune, c’était pour une promesse.
(il détourne légèrement le regard)
(Le serveur revient avec les boissons. Un éclat de rire sonore du groupe à côté les interrompt. L’enfant pleure un peu plus fort.)
SERVEUR
Et voilà pour vous ! Les frites arrivent dans une minute.
(Ken et Rina le remercient d’un signe de tête. Ils prennent chacun une gorgée de leur boisson.)
RINA
Tu fais du sport ?
KEN
Un peu. Je cours parfois… ça me donne l’impression de fuir quelque chose, je crois. Et toi ?
RINA
La danse. Je dansais beaucoup avant. Quand j’étais plus… vivante.
(elle baisse les yeux, un peu troublée de sa propre sincérité)
KEN
Et ta famille ? Tu as des frères et sœurs ?
RINA
Non. Fille unique. Mes parents sont séparés, je vis un peu entre deux maisons, même à vingt ans. Et toi ?
KEN
J’ai un grand frère. On se parle peu. On est très différents. Je crois qu’il me trouve un peu paumé.
(Les frites arrivent. Le serveur les dépose avec un clin d’œil amical.)
SERVEUR
Bon appétit.
(Ils picorent dans l’assiette.)
KEN
Tu lis quoi en ce moment ?
RINA
« Les nuits blanches » de Dostoïevski. Tu connais ?
KEN
Je l’ai lu au lycée. J’avais adoré. Tellement… triste et beau à la fois.
RINA
(murmure)
Oui. Triste et beau… un peu comme ce soir.
(Ils échangent un regard profond. Le bruit du bar leur parvient plus sourdement, comme si une bulle s’était formée autour d’eux.)
KEN
Et tes rêves, Rina ?
RINA
Voyager. Voir l’océan dans tous les pays possibles. Écrire un livre qui aiderait quelqu’un. Et toi ?
KEN
Je voudrais… trouver un endroit où je me sens à ma place. Peut-être au milieu des arbres. Peut-être dans une ville que je ne connais pas encore.
(Un silence léger. Ils se perdent un instant dans ce rêve partagé.)
RINA
Et… tu es heureux ?
KEN
(honnête, sans chercher à cacher)
Je crois que non. Mais ce soir, ici, ça va.
RINA
Moi non plus.
(elle sourit doucement)
Mais ce soir, ici, ça va.
(Leurs mains se frôlent sur la table. Une lampe du bar vacille, puis s’éteint doucement, plongeant leur coin dans une semi-obscurité. La caméra cadre ce moment suspendu.)
SÉQUENCE 4
INT. CHAMBRE D’HÔPITAL — SOIR
(Noir total. Puis un fondu lumineux — les lumières pâles des lampadaires filtrent à travers une fenêtre d’hôpital. On entend le bourdonnement d’un appareil médical, des pas feutrés dans le couloir. La caméra cadre une petite chambre, calme, chaleureuse malgré le cadre clinique.)
(Sur le lit médicalisé repose une jeune amie de Rina — pâle, fatiguée, le regard brillant d’intelligence. Rina est assise sur une chaise juste à côté, son sac sur les genoux. La pièce est éclairée par une lampe murale jaune pâle, donnant une ambiance feutrée. Rina semble encore sur son petit nuage, les joues rosies par sa soirée.)
AMIE
(en l’observant, malicieuse)
Toi… t’as une drôle de tête ce soir. Tu caches quelque chose ?
RINA
(riant doucement, prise sur le fait)
Rien du tout ! Enfin… peut-être une petite chose.
AMIE
(se redressant dans son lit, amusée)
Allez, raconte. T’as rencontré quelqu’un ?
RINA
(baisse les yeux en souriant)
Oui. Un garçon. Il s’appelle Ken. C’était au cinéma.
AMIE
(taquine, les yeux brillants)
Ken ? Comme le prince charmant ? Ahhh, je le savais ! Tu es amoureuse !
RINA
(rougissant d’un coup, essayant de nier)
Non, non ! Ce n’est pas ça… Enfin… je le connais à peine. C’était juste une rencontre sympa.
AMIE
(rire doux, puis hausse un sourcil complice)
« Rencontre sympa » ? Tu avais le regard d’une fille sur un petit nuage en entrant dans la chambre. Avoue-le : ton cœur a fait un salto.
(Rina rit à son tour, incapable de cacher son émotion. Un silence tendre s’installe entre elles, interrompu par le passage d’une infirmière dans le couloir.)
AMIE
Tu sais… j’aimerais être à ta place. Vivre ces moments. Sortir le soir, discuter jusqu’à pas d’heure… Moi, je suis coincée ici entre ces murs blancs.
RINA
(le visage assombri, touchée)
J’aimerais que tu puisses être dehors toi aussi. Aller au cinéma, sous la pluie… Tu le mérites tellement.
AMIE
(philosophe, haussant les épaules)
C’est la vie. Et puis, à ma façon, je vis à travers toi. Alors vas-y ! Raconte tout, fais-le moi vivre !
(Rina prend une inspiration, ravie d’être écoutée.)
RINA
Ses yeux… Tu sais, grands et profonds, comme une galaxie. Marron, doux à l’intérieur — durs à l’extérieur. Il portait une veste en cuir, on aurait dit qu’il cachait des histoires sous sa peau. Et son sourire… c’était timide, presque fragile.
AMIE
(émue)
On dirait le début d’un roman d’amour.
(Elles éclatent de rire ensemble, ce qui attire le regard d’une infirmière qui leur sourit en passant.)
AMIE
Tu penses que tu le reverras ?
RINA
Oui… Je l’espère.
(Court silence. L’ambiance se fait plus calme, introspective. Rina regarde par la fenêtre, perdue dans ses pensées.)
AMIE
Dis… qu’est-ce que tu dirais, toi, s’il n’y avait personne le jour de ton enterrement ?
(Rina revient à elle, surprise par la question. Un petit sourire triste éclaire son visage.)
RINA
Rien, probablement. Je suis née seule et je mourrai seule. Toute ma vie, je la passe souvent seule : je mange seule, je sors seule, je me couche seule. Alors, ce ne serait pas une fatalité d’être seule le jour de mon enterrement.
AMIE
(en fronçant les sourcils, émue)
Ne dis pas ça, Rina.
RINA
(doucement)
Et toi ? Tu te sentirais triste si personne ne venait ?
AMIE
Oh, c’est sûr. Mais justement… Tu sais, si je devais choisir, mon enterrement serait une fête.
RINA
Une fête ?
AMIE
Oui ! Colorée, pleine de musique, d’amis, de rires… Plutôt que d’être triste, je voudrais que chacun vienne danser, me dire ce qu’il a aimé chez moi. Un anniversaire plutôt qu’un adieu.
RINA
(en souriant, les yeux brillants)
J’aimerais la même chose. Peut-être que ce serait même avant de mourir ? Comme une grande surprise !
(soupir amusé)
Imagine : je suis là, assise sur une chaise décorée, une couronne sur la tête, à écouter tous ces discours ! Je verrais les gens pleurer, mais de joie, parce qu’on serait tous ensemble. La musique jouerait fort, on danserait. Ce serait mon dernier grand moment. Et je partirais le cœur heureux.
(L’amie tend sa main. Rina la prend dans la sienne, en silence, le temps d’intégrer ces paroles. La caméra fixe leurs mains entrelacées dans un halo doux, alors qu’un bip discret d’un moniteur médical rythme ce moment suspendu.)
AMIE
(murmure, un sourire triste et lumineux sur le visage)
Promis, si ce jour arrive, je danserai.
RINA
(murmure à son tour)
Promis. Tu danseras à mon enterrement.
(Elles se regardent longuement, dans le silence chargé d’émotion. La lumière du lampadaire à l’extérieur vacille, projetant une ombre dansante sur le mur — une image de ce qu’elles viennent d’imaginer ensemble. La scène s’achève sur ce moment intime, la musique du couloir d’hôpital en fond et une profonde tendresse entre les deux amies.)
AMIE
(souriant faiblement)
Seulement si toi aussi, tu danses avant.
(Elles échangent un dernier sourire chargé d’émotion. Rina se lève, hésitante, resserre son manteau, et regarde son amie une dernière fois. L’amie lui fait un petit signe de la main, les yeux brillants.)
INT. COULOIR DE L’HÔPITAL —NUIT
(Rina sort de la chambre d’un pas lent. La porte se referme derrière elle dans un chuintement doux. La lumière est pâle dans le couloir, le bruit d’un chariot d’infirmière au loin, quelques murmures étouffés. Rina marche sans se presser, le regard baissé, absorbée par ses pensées.)
VOIX OFF (RINA)
(douce, mélancolique)
J’aimerais tant que les choses soient différentes. Si seulement elle n’était pas malade… On aurait pu être ensemble tous les jours, partager un café au soleil, marcher dans la ville jusqu’à en avoir mal aux pieds. Elle aurait dansé à mes côtés au concert d’été, on se serait raconté nos histoires d’amour au milieu de la nuit.
(pause)
Tout aurait été plus simple, plus lumineux.
(La caméra suit son ombre sur le carrelage, son souffle en buée devant une vitre. À travers la baie vitrée, le ciel est d’un bleu profond piqueté d’étoiles — une nuit d’hiver paisible et triste à la fois.)
VOIX OFF (RINA)
(en inspirant profondément)
Mais ce soir, je repars seule. Je serre dans mon cœur les rires qu’on a partagés, les promesses qu’on a échangées, comme une petite lampe dans l’obscurité.
(Un instant de silence, avant qu’un son vienne le briser — le petit BIP d’un message sur son téléphone. Elle sursaute, sort son portable de sa poche d’un geste rapide.)
EXT. PARVIS DE L’HÔPITAL — NUIT
(La porte vitrée glisse dans son dos, laissant Rina dehors dans l’air froid. Elle regarde son écran. Un message de Ken est affiché sur la notification :)
Ken — « Tu es bien rentrée ? »
(Rina esquisse un sourire doux malgré la tristesse sur son visage. La lumière de son écran éclaire son regard fatigué mais apaisé, chargé d’espoir fragile.)
(La caméra se rapproche sur son visage, son sourire, puis se lève doucement vers le ciel nocturne. La musique en fond est discrète, aérienne.)
SÉQUENCE 5
EXT. PARC — CRÉPUSCULE
(La scène s’ouvre sur une petite allée bordée d’arbres. Le soleil couchant teinte le ciel de rose pâle et d’orange. RINA et KEN marchent lentement, à une certaine distance l’un de l’autre, les mains dans les poches, un peu nerveux. Des feuilles mortes crissent sous leurs pas. Leur complicité est évidente — un mois d’amitié, de moments partagés, de silences confortables — mais ce soir quelque chose semble différent.)
RINA
(brise le silence, timidement)
Tu te souviens… la première fois qu’on s’est parlé ? Au cinéma ?
KEN
(souriant, les yeux baissés sur le gravier)
Oui. Tu avais ce grand manteau bleu et ce petit sourire en coin. C’était à Ikiru. Tu avais l’air captivée par le film.
RINA
(avec tendresse)
Et toi, tu avais ce regard un peu perdu… comme quelqu’un qui attend une réponse qu’il n’a jamais posée.
(Ken rit doucement, touché par la précision de sa mémoire. Ils continuent à avancer encore quelques pas dans le crépuscule, jusqu’à un banc au bord d’un petit étang. Ils s’y assoient, face à l’eau calme.)
RINA
(inspirant, le regard au loin)
Ken, je voulais te dire quelque chose. Depuis qu’on se connaît… ces semaines passées à tes côtés m’ont donné une force étrange. Comme une petite lampe qu’on allumerait dans une pièce trop sombre.
KEN
(tourne la tête vers elle, attentif)
Qu’est-ce que tu veux dire, Rina ?
RINA
(elle baisse les yeux, hésite, sa voix est presque un murmure)
Je crois que je suis amoureuse de toi.
(Le temps semble se suspendre. Ken garde le silence, son regard vacillant entre le visage de Rina et le lac. Rina sent son cœur battre à tout rompre, ses mains se crispent sur le bord du banc.)
RINA
(précipitée, comme pour se protéger)
Enfin, ce n’est pas grave si ce n’est pas réciproque ! Je… je voulais juste te le dire. Parce que le garder en moi devenait trop lourd.
(Ken prend une inspiration profonde. On entend le vent dans les feuillages. Il baisse les yeux, serre ses poings dans ses poches, visiblement mal à l’aise.)
KEN
(d’une voix basse, hésitante)
Rina… tu es une personne merveilleuse. Tu es sincère, attentionnée, pleine de vie malgré ta tristesse. Mais je ne peux pas te donner ce que tu attends.
(Rina hoche la tête lentement, les larmes aux bords des yeux qu’elle s’efforce de contenir.)
KEN
J’ai peur de te faire du mal. Je te vois déjà comme une amie précieuse, vraiment. Mais je ne suis pas prêt à être ce qu’il te faut. Je… je traîne trop de poids en moi.
RINA
(la voix tremblante, tentant de sourire)
Tu sais… je le sentais un peu. Je crois que je m’y attendais.
(Silence entre eux. Ken tend la main, hésite à la poser sur la sienne, mais se ravise. Après quelques secondes, Rina prend une longue inspiration, regarde le ciel violet au-dessus d’eux.)
RINA
(enfin, d’une voix calme, pleine d’émotion)
Ken… je peux te confier quelque chose ? Tu n’es pas le seul à avoir des poids à porter. Tu te rappelles ce que je t’ai dit sur mon amie à l’hôpital ? Depuis qu’elle est malade, j’ai l’impression que le temps file trop vite. Que la solitude me rattrape à chaque coin de rue. Alors quand je t’ai rencontré, ça a été comme une petite brèche dans ce mur gris. Tu es arrivé sans prévenir, sans que je le cherche. Tu es devenu ce quelque chose que je n’attendais plus.
(Ken la regarde, les yeux brillants, touché jusqu’au fond de lui-même.)
KEN
(presque un chuchotement)
Rina…
RINA
(elle poursuit, une larme roulant sur sa joue qu’elle essuie du revers de la main)
Ce n’est pas grave si ce n’est pas de l’amour entre nous. Ce que je veux surtout, c’est que tu saches ce que j’ai ressenti. Tu as été important. Tu l’es toujours.
KEN
(en proie à une émotion sincère, la gorge nouée)
Tu es une des personnes les plus fortes que je connaisse. Je ne veux pas te perdre à cause de ça. Mais les hommes sont toujours occupés. Ils voient l’amour comme une source secondaire à leur bonheur. Un petit café en terrasse, un tour dans les jardins, quelques "je t’aime" rarissimes. Mais ce n’est jamais vraiment le centre. Surtout c'est pas mon centre à moi.
RINA
(souriant entre les larmes, hochant la tête)
Oui je comprends.
(Ils se regardent longuement. Le silence entre eux n’est plus pesant, mais doux, apaisé. Ils restent assis là, à écouter le clapotis de l’eau, le ciel qui s’assombrit doucement, chacun dans sa bulle, liés par une tendresse nouvelle, sans mensonge.)
KEN
(après un long moment, d’une voix apaisée)
Tu veux qu’on aille boire quelque chose avant de rentrer ? Comme d’habitude ?
RINA
(souriante malgré ses yeux rougis)
Oui. Comme d’habitude.
(Ken esquisse un sourire soulagé. Ils se lèvent ensemble. Alors qu’ils quittent le banc, la caméra les suit de dos, marchant à côté l’un de l’autre, dans le soir tranquille.)
SÉQUENCE 6
EXT. ARRÊT DE BUS — NUIT
(La scène s’ouvre sur un petit arrêt de bus sous une pluie fine. La lumière jaune du lampadaire éclaire la scène d’un halo doux. Quelques flaques reflètent la ville endormie. Rina et Ken sont assis sur le banc, tout proches, silencieux, les joues encore rosies d’avoir bu ensemble. Leur conversation précédente — l’aveu de Rina et le rejet honnête de Ken — plane entre eux dans le calme de la nuit.)
(Le silence est apaisé, presque complice. Rina regarde les gouttes ruisseler sur la vitre de l’abribus. Ken frotte ses mains sur son jean, un peu perdu dans ses pensées. Un bus passe au loin, vide, son faisceau lumineux balayant la rue.)
RINA
(doucement, la voix posée)
Honnêtement… je ne sais pas combien on doit aimer quelqu’un pour que cela soit considéré comme un véritable amour.
(Ken tourne la tête vers elle, attentif.)
RINA
Mais… Tu me manques. Vraiment. Tu me manques déjà.
(elle hésite, son regard plongé dans la pluie)
J’ai l’impression qu’un “Tu me manques” est plus sincère et plus clair qu’un “Je t’aime.” L’amour est si abstrait, si difficile à expliquer. Mais manquer à quelqu’un, c’est concret. C’est dans le corps, dans le cœur, dans la peau.
(Ken reste silencieux, touché par la simplicité et la force de ses mots. La pluie rythme leur respiration. Rina tourne son visage vers lui, un sourire triste aux lèvres.)
RINA
C’est comme ça que je veux que tu m’appelles.
(elle marque une pause)
Pas un “Je t’aime” maladroit, pas une promesse qu’on ne pourrait pas tenir. Juste : “Tu me manques.”
(elle chuchote)
Tu me manques, Ken.
(Ken lui rend son regard. Ses yeux brillent d’émotion, mais il se contient. La sirène d’un bus au loin les sort un peu de leur bulle. Rina se lève, serre son sac contre sa poitrine. La lumière du bus grandit sur le trottoir.)
RINA
(elle le regarde une dernière fois, avec une tendresse immense)
Promets-moi que, à partir d’aujourd’hui… tu ne m’appelleras pas même si tu deviens riche en gagnant au loto, si tu te maries, ou si tu as un enfant. Ne m’appelle pas si tu es heureux ou jaloux.
(elle serre les poings sur sa veste, la voix vibrante d’émotion)
Mais appelle-moi si tu passes un mauvais moment. Viens à moi quand il pleut fort, quand il y a un orage au fond de toi, et que tu n’as nulle part où aller.
(elle lui tend son petit doigt, comme une promesse d’enfant)
Ne reste pas sous la pluie seul, Ken. Parce que, n’oublie pas… je t’aimerai toujours plus qu’hier, et encore plus demain, et après-demain.
(Ken, le cœur serré, accroche son petit doigt au sien. Ils se regardent, sans un mot. Le bus stoppe à côté d’eux dans un soupir, les portes s’ouvrent.)
RINA
(avec un petit sourire timide)
Allez… je te laisse ici.
(Elle monte dans le bus d’un pas lent. À l’intérieur, une faible lumière. Elle se retourne une dernière fois pour lui faire un signe de la main, à travers la vitre embuée. Ken lui répond d’un signe lent, debout sur le trottoir, son visage baigné par le halo orangé du lampadaire.)
(Le bus démarre doucement, laissant Ken seul sous la pluie. La caméra reste sur Rina à travers la vitre, son regard perdu sur la ville qui défile dans la nuit.)
VOIX OFF (RINA)
(intime, presque murmurée)
Si je lui avais pas avoué ce que je ressens ce soir-là, aurait le futur été différent ? Aurais-je passé plus de temps avec Ken ?
(pause, son souffle contre la vitre laisse une trace éphémère)
Ou bien est-ce que tout était déjà écrit, quelque part entre les gouttes de pluie et la lumière du bus ?
(Son regard se perd dans la nuit. La lumière des lampadaires glisse sur son visage, alors que le bus disparaît dans l’obscurité.)
SÉQUENCE 8
EXT. FUNÉRAILLES — JOUR
(La scène s’ouvre sur un ciel pâle, presque blanc. On entend le murmure du vent dans les arbres et le bruit feutré des pas sur le gravier. Des personnes en noir, le regard baissé, se regroupent autour d’un cercueil décoré de fleurs. Et, au milieu d’eux, Rina, debout, vêtue d’une robe d’un jaune éclatant, presque solaire.)
(La caméra la suit de dos un instant, avant de se rapprocher de son visage, son expression indéchiffrable — un sourire discret aux lèvres, les yeux brillants, la mâchoire un peu tremblante.)
VOIX OFF (RINA)
(calme, suspendue entre douceur et tristesse)
Après être rentrée chez moi ce soir-là, le téléphone a sonné.
(une pause)
C’était l’hôpital.
(le silence)
Mon amie était partie.
(La caméra glisse sur le cercueil. Rina garde les mains jointes, immobile. On entend le bruit d’un oiseau dans le lointain, le murmure d’une prière à voix basse. La scène est presque irréelle, entre le chagrin et le calme d’un dernier adieu.)
VOIX OFF (RINA)
Je ne savais plus ce que je devais faire. Est-ce que je devais pleurer ? Rire ? Crier ? Ou juste rester là… comme figée dans le temps ?
(La caméra revient sur le visage de Rina, son regard perdu quelque part dans le ciel. Un petit sourire lui revient aux lèvres malgré une larme unique sur sa joue.)
VOIX OFF (RINA)
J’ai repensé à notre discussion, ce soir à l’hôpital. À sa fête colorée, à la musique, aux rires qu’elle voulait à son enterrement.
(une inspiration tremblante)
Elle disait qu’elle préférerait que ce soit un anniversaire, que les gens dansent au lieu de pleurer.
(La caméra cadre alors les détails : les couronnes de tournesols, les vêtements aux teintes vives portés par quelques proches, une photo de son amie entourée de rubans jaunes et bleus, son sourire radieux.)
VOIX OFF (RINA)
Alors, je me suis habillée en jaune, sa couleur préférée, et j’ai promis de sourire, comme je lui avais dit. Comme si c’était le plus heureux des adieux.
(Rina inspire profondément, ses épaules se redressant. Elle laisse glisser une main sur le cercueil, dans une caresse légère. Derrière elle, la musique d’un piano, à peine audible, semble s’élever dans le silence — une mélodie pleine de tendresse.)
VOIX OFF (RINA)
Et je suis là, au milieu des fleurs colorées, entre le chagrin et le souvenir.
(une pause)
En me demandant ce qu’elle me dirait à cet instant. Peut-être qu’elle rirait en me voyant dans cette robe, en me disant que je suis trop sérieuse, que je devrais me décoincer.
(La caméra remonte doucement, laissant apparaître le ciel lumineux au-dessus d’eux. Rina lève les yeux, sa main toujours posée sur le bois du cercueil, son sourire lumineux malgré les larmes aux coins des yeux.)
VOIX OFF (RINA)
Je me souviens de sa voix, de ses promesses, de ce qu’on a partagé.
(avec une douceur profonde)
Et dans ce sourire que je lui offre, il y a toute la tendresse qu’on a eue. Toute la force qu’elle m’a laissée.
(La musique prend un peu d’ampleur alors que la scène se fige un instant sur le visage apaisé de Rina, avant de s’estomper dans une lumière blanche — entre le chagrin et l’espoir.)
SÉQUENCE 9
INT. APPARTEMENT DE RINA — SOIR
(La pièce est plongée dans une lumière tamisée, chaude, presque dorée. On entend une petite musique douce en fond — le crépitement d’un vieux vinyle ou le murmure d’un ventilateur. RINA est assise par terre sur le tapis, face à une boîte en bois décorée de motifs simples. Elle semble hésiter avant d’en soulever le couvercle.)
(La caméra descend à sa hauteur et cadre le contenu de la boîte. À l’intérieur : des billets de concerts, des petites figurines d’animaux colorés, des coquillages, une médaille de fête foraine, des photos en vrac, des polaroids aux bords usés.)
VOIX OFF (RINA)
(doucement)
Il y a ces souvenirs que l’on garde enfermés dans une boîte… comme pour les protéger du temps.
(Rina prend une petite pile de photos. Elle feuillette lentement : des clichés d’amis, d’anciens anniversaires, des paysages, son amie à l’hôpital qui lui sourit dans son lit, une photo d’elle enfant sur une balançoire… jusqu’à ce qu’elle tombe sur une polaroid qu’elle soulève entre ses doigts avec tendresse.)
(Sur le cliché, Ken sourit à l’objectif dans la pénombre d’une plage nocturne. En bas, un numéro de téléphone est écrit à la main. Rina le regarde longuement, les yeux soudain humides.)
FLASHBACK — EXT. PLAGE — NUIT
(La scène devient plus lumineuse, bercée par le bruit des vagues. Le sable est froid sous les pieds. La lune éclaire le visage rieur de Ken pendant qu’il agite son polaroid.)
RINA
(en riant, gênée)
Ken, arrête ! Je suis décoiffée et à moitié endormie ! Je vais être affreuse sur ta photo !
KEN
(souriant malicieusement)
Tout est toujours beau quand c’est toi, Rina. Surtout quand tu es à moitié endormie.
(Le polaroid claque. Ken s’assoit à côté d’elle sur le sable, l’odeur iodée entre eux, et l’appareil recrache une photo en silence. Ken la secoue d’un geste distrait pendant qu’ils regardent le ciel étoilé.)
RINA
(en chuchotant)
On dirait que le temps est suspendu ce soir.
KEN
(en tendant le polaroid à Rina)
Tiens, regarde.
(Sur la photo apparaissent doucement leurs deux visages collés l’un à l’autre, le sourire timide de Rina et le regard lumineux de Ken. Il prend un feutre dans sa poche et griffonne un numéro en bas de l’image.)
KEN
(en riant)
Ah ! J’ai oublié : j’ai changé de numéro ! Voilà le nouveau. Tu pourras m’appeler quand tu en auras besoin.
(il prend un ton amusé)
Mais attention ! Pas pour me harceler non plus, hein.
(Rina rit, serre le polaroid entre ses doigts, alors que la scène se dissipe lentement dans la nuit salée et les bruits des vagues.)
INT. APPARTEMENT DE RINA — SOIR (RETOUR AU PRÉSENT)
(La main de Rina caresse le numéro sur la photo. Elle sort son portable, le regard indécis, le cœur battant. Lentement, elle tape le numéro sur son écran. Son pouce hésite une seconde sur le bouton d’appel, puis appuie.)
(La sonnerie retentit. Une, deux, trois fois. Rina serre son portable contre son oreille, son expression tendue. Après quelques secondes, une voix féminine lui répond — celle d’une femme plus âgée.)
VOIX DE FEMME (AU TÉLÉPHONE)
Oui ? Allô ?
RINA
(déstabilisée)
Bonsoir ? Euh… est-ce que Ken est là, s’il vous plaît ?
VOIX DE FEMME
Ken ? … Qui le demande ?
RINA
(inspirant profondément)
C’est Rina. On s’est connus il y a deux ans… Je… je voulais juste lui parler.
(Un long silence. À l’autre bout du fil, la femme pousse un soupir tremblant, sa voix est voilée d’émotion.)
VOIX DE FEMME
Vous êtes Rina ? Oh, mon Dieu… Ken me parlait si souvent de vous. Je suis sa mère.
RINA
(le cœur serré)
Sa mère ? Mais… il est là ? Je… je veux juste entendre sa voix.
VOIX DE FEMME
(après une pause)
Ken a eu un accident de moto l’année dernière. Il est parti.
(Le silence. Rina sent le sol se dérober sous elle, son portable collé à son oreille, incapable d’articuler un mot.)
VOIX DE FEMME
(doucement)
Vous savez, il ne faisait que parler de vous. Il vous aimait beaucoup, vraiment. À chaque fois qu’il me montrait une photo, qu’il racontait vos souvenirs à la plage, au cinéma, vos conversations. Il disait que vous étiez une personne qui illuminait sa vie.
(La main de Rina tremble, son regard perdu dans le vide. Elle serre le polaroid contre son cœur.)
RINA
(en larmes, presque en chuchotant)
Merci… de me l’avoir dit.
(La voix de la mère se perd dans un murmure triste et l’appel se termine dans le silence. Rina reste là, assise sur le sol, le portable encore dans sa main. Son regard se trouble et une larme glisse sur sa joue.)
VOIX OFF (RINA)
(déchirée)
J’ai compris ce soir-là que j’étais seule dans cette vie. Tous ceux que j’aimais… sont partis.
(La caméra s’éloigne doucement, laissant Rina dans la pénombre de son appartement, le polaroid entre les doigts et la boîte à souvenirs entrouverte à ses pieds. La musique s’élève lentement avant que l’écran ne fonde au noir.)
COUPER SUR NOIR.
Scénario écrit par Chaibate Douaa
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